Déstructurer la réalité pour la recomposer en mixant des éléments existants, n’est-ce pas un sujet qui anime nos réflexions actuelles dans cette période plus restrictive et plus introspective ? Une démarche qui n’est pas uniquement l’apanage de la mode. Dès 1910, aucune expression artistique n’est « épargnée » par la tentation collagiste.
En triant, sélectionnant, découpant d’anciennes revues, pendant le confinement, l’idée s’est imposée à moi. Revenir à cette ancienne technique du collage-montage sans aucun usage des artifices technologiques, pour laisser libre cours à des univers, des moodboards découpés avec des approches couleurs et autres.
Si l’on regarde de plus près ce mouvement artistique, on constate deux grandes étapes caractéristiques à cette démarche : le chaos, la déconstruction et l’ordre, la recomposition. Les expérimentations collagistes et montagistes produisent des œuvres novatrices, défiant les règles de l’art “ ancien “.
Ce jeu de la transformation, de la double lecture de la réalité, a trouvé son origine à travers les différents mouvements artistiques d‘Avant-Garde; le cubisme, le futurisme, le dadaïsme, le constructivisme jusqu’au surréalisme. La recherche sans contraintes du nouveau, la confrontation directe avec le réel, la puissance critique et émancipatrice de l’art sont privilégiées.
Aujourd’hui quelle qu’en soit sa traduction artisanale ou digitalisée, elle continue d’exprimer un même langage revendicatif, humoristique, étrangement onirique, à la fois contemporain et passéiste qui prend tout son sens dans la confrontation de nos mondes d’avant et d’après. Le facteur temps est un des éléments pour créer l’illusion entre l’histoire et le vectoriel, grâce à l’utilisation d’images télescopées entre deux époques.
Certains artistes comme l’ukrainien Alexey Kondakov ont transposé des personnages de chefs-d ’œuvres de la peinture classique dans notre 21ème siècle. Utilisant Photoshop avec brio, il parvient à fondre avec art, des scènes théâtrales dans notre environnement quotidien. Ou comment mixer l’art avec la culture populaire.
Dans la situation du confinement, comme un temps arrêté, Le magazine Stylist utilise avec dérision, cette double confrontation, en customisant et en introduisant une annotation dans le tableau d’un personnage célèbre.
Lizzie Gill est une artiste aux techniques mixtes dont le travail explore les thèmes de la rétro-américana dans un contexte contemporain. À travers une variété de médias, elle illustre une distorsion temporelle, composée de la vie quotidienne. Son travail pose un regard nostalgique sur le passé et sur l’innocence des Américains, ce qui nous incite à s’interroger sur leur sens du temps et sur le rôle de la culture. Parmi ses commandes éditoriales, on peut citer le New York Times Magazine, Wired & Vogue.
Autre approche similaire, le style audacieux de la créatrice Rosie Assoulin qui illustre sa marque en re-contextualisant les looks, les modèles, dans un univers en décalage ou en association avec l’histoire de sa collection, comme un roman photo.
Mais comme toute démarche, l’art du collage, c’est avant tout, l’idée de fusionner plusieurs médias, en utilisant une diversité des techniques que les nouveaux photographes, graphistes, artistes plasticiens exercent d’une manière pluridisciplinaire, en mixant les techniques picturales avec les logiciels de montage et les outils numériques.
L’artiste roumaine Andreea Robescu mélange les couleurs vives de la peinture avec des animations GIFs, superposant des motifs différents, de couleurs opposées, pour créer des images surchargées d’élément.
Le StudioUltraLuxe , spécialisé en communication par le GIF, explore à travers différentes campagnes notamment avec la collaboration d’H&M pour HACKEDBY, le collage comme référence, pour créer une nouvelle mode, en repensant et en assemblant les stocks invendus.
Le photographe Mario Sorrenti et l’artiste John Baldessari s’associe au travers d’un jeu de séduction entre la mode et l‘art conceptuel. Des clichés bruts et léchés transformés en représentations quasi-surréalistes avec des images de corps humains agrémentées d’aplats de couleurs. (Ouvrage Noses Elbows and knees, disponible au sein de la boutique Saint Laurent Rive Gauche).
Une sorte d’introspection, avec des identités cachées qui joue l’abstraction et l’anonymisation des visages et corps. C’est également la signature artistique des collages fragmentés en multicouche de Stefan Gunnesh.
Recomposer, décomposer aujourd’hui ; c’est réinventer l’instant présent, c’est imaginer demain. Pour que quelque chose de nouveau émerge …
